Tuesday, October 25, 2016

Russie, Syrie, le glas sonne pour toi

Dominique Inchauspé


Le boucher russe au travail sur l'étal syrien : qui s'en étonnera ? L'aviation russe débitant les civils d'Alep parmi les carcasses équarries des adversaires de Bachar el-Assad.


Un bombardier russe survole la Syrie (Russian Defence Ministry Press Service photo via AP, File)

Le boucher russe au travail sur l'étal syrien : qui s'en étonnera ? L'aviation russe débite les civils d'Alep parmi les carcasses équarries des adversaires de Bachar el-Assad : à l'est, rien de nouveau. Toujours la sauvagerie, la barbarie et le mépris de la vie. Et dire que certains critiquent la civilisation de l'occident, qu'un Edgar Snowden, installé chez le Sauvage du froid donne des leçons aux démocraties qui oeuvrent pour la paix ! Pourtant, Edgar, sur la neige, le sang se voit mieux.

La Syrie ou la guerre d'Espagne du XXIème siècle... L'occident l'a-t-il bien "gérée"? Il y a d'abord eu le "reset" de M. Obama ou la tentative, à partir de 2008, d'entretenir avec la Russie des relations d'Etats civilisés. Peine perdue : la Russie n'est pas civilisée. Pourtant, M. Obama avait raison. Il fallait "fermer une porte", comme on dit dans les enquêtes judiciaires, c'est-à-dire vérifier une piste qui, si elle n'aboutit pas, apporte au moins une information : ce n'était pas la bonne. Et puis, c'est notre devoir de civilisation du bien et de la paix : tout tenter pour éviter la guerre ; tout faire pour développer des relations harmonieuses entre les peuples, les Etats et les cultures ; à la force, substituer le droit.
Il y a eu ensuite l'affaire de la ligne rouge, celle que, selon M. Obama, le régime de Bachar el-Assad avait franchie en usant de gaz de combat contre sa propre population. Le monde attendait une riposte américaine qui n'est pas venue, devant la détermination du Vladimir (il y a bien "le Donald"), lequel a mouvementé une partie de sa flotte de guerre. Cette position américaine est plus discutable : si on comprend le peu d'empressement des Etats-Unis à se réengager dans un conflit au Moyen Orient, a fortiori à grande échelle, on voit aussi que cette reculade a enhardi le Fou du froid : Crimée et Donbass ont suivi mais aussi des vols militaires agressifs jusque dans les Caraïbes.
En revanche, une erreur tactique et stratégique majeure a été commise : "sous-traiter" la question syrienne à la Russie pour tenter un cessez-le-feu et, pour cela, faire pression sur la rébellion afin de l'amener à la table des négociations. On en voit le résultat : le Vladimir et le Bachar multiplient les crimes de guerre à Alep et tentent de trouver une solution militaire au conflit quand on attendait d'eux un compromis de paix. A nouveau encouragée, la Russie envoie ses bombardiers : en septembre 2016, deux TU-160 ont dû être "raccompagnés" par des Rafales loin de notre espace aérien.
Il eût fallu faire le contraire : forcer les Russes et le régime syrien à négocier ; pour cela, continuer à approvisionner les factions les moins radicales en armes anti-char et surtout anti-avions. Depuis des mois sinon plusieurs années, les factions réclament des missiles sol-air portables qui se tirent à l'épaule.
L'exposition médiatique de la guerre syrienne, comparable à celle du Vietnam, rend vulnérables tous ses participants, directs ou indirects, dans la guerre de l'image. Vladimir Poutine combat autant pour démontrer au monde que "Russia is back" que pour garder ses bases syriennes et soutenir ses amis tortionnaires. Dès lors, une douzaine, peut-être vingt appareils russes, hélicoptères de combat et/ou bombardiers, abattus, des vidéos en boucle dans le monde entier montrant les carcasses des engins noircis au sol serait un coup terrible pour le Congélateur de sang.
C'était déjà le dénouement de la guerre soviétique en Afghanistan, la défaite de l'URSS par des missiles sol-air américains Stinger. Plusieurs centaines de ces armes furent livrées à la rébellion en 1986 ; plusieurs dizaines de dizaines d'hélicoptères Mi-24 'Hind' furent détruits en vol (on parle de plus de 300 appareils, avec un taux de succès des missiles de 80 %). Aujourd'hui, ces appareils modernisés interviennent en Syrie et le Stinger a été perfectionné...
Sur le plan militaire, ce serait plus facile qu'en Afghanistan. Dans les années 1980, il y avait quelques 120.000 troupes soviétiques au sol qui tenaient les villes et aucun accès à la visioconférence perpétuelle qu'est devenu notre monde. Aujourd'hui, en Syrie, les Russes n'ont pas engagé leurs soldats à terre et ils y ont bien moins d'appareils (une soixantaine sur "site" plus des bombardiers qui décollent de bases russes et aussi d'Iran) : leur "empreinte" est donc plus légère et il serait facile de l'effacer : quelques dizaines de missiles suffiraient et le risque de dissémination dans des mains hostiles serait réduit car c'est la crainte des chancelleries comme en 1986. L'état-major américain hausse le ton et pousse à une riposte.
Evidemment, on s'éloignerait de "l'adieu aux armes" cher à Hemingway pour se rapprocher d'une autre situation aussi évoquée par l'écrivain : "Pour qui sonne le glas ?", vers éponyme de John Donne, poète élisabéthain.
Mais vous l'aurez cherché, Ô Russes déments et toi aussi, régime syrien honte de la honte. Tant qu'on y est, méditez toute la citation : "N'envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi" ("Devotions upon Emergent Occasions", 1624).

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