Moscou renforce sa présence militaire chez son
allié Assad. Peut-être pour peser sur les négociations sur le Dombass.
Et si, pour l’aider à sortir de son isolement
international depuis la crise ukrainienne, le Kremlin de Vladimir Poutine feignait de lancer une offensive contre les
islamistes en Syrie? Les dernières manœuvres russes laissent diplomates et
analystes dans l’expectative. Alors que parallèlement, le front ukrainien s’est
apaisé.
«Une coïncidence?» s’interroge un haut
diplomate européen à Moscou, impliqué dans les coulisses du sommet prévu pour
le 2 octobre à Paris entre Vladimir Poutine et le président ukrainien Petro
Porochenko. «Ces dernières semaines, il y a une claire volonté du Kremlin de
faire avancer les négociations sur l’Ukraine, témoigne-t-il. Poutine prépare
peut-être son opinion publique à accepter des concessions…»
Dans le même temps en effet, la Russie fait
preuve d’un activisme inédit en Syrie. Jusqu’ici, Moscou s’est défendu en
arguant qu’elle poursuivait seulement ses habituelles livraisons d’aides
humanitaires et d’armement au régime de Bachar
el-Assad. Hier pourtant, le ministre syrien
des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a confirmé sur la chaîne Russia Today
que «la participation de la Russie dans le combat contre Daech (acronyme arabe
du groupe Etat islamique) et le Front al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaida)
est encore plus importante que la fourniture d’armes à la Syrie».
Inquiet des récents revers de son allié
historique face aux islamistes, Moscou craint bel et bien une défaite de Damas
– et les méfaits du retour de milliers de djihadistes russes. D’où
l’intensification de sa présence militaire, notamment autour de la base
aérienne de Lattaquié, possible point de retrait du président Assad. «On ne
parle plus seulement d’assistance militaire. La Russie se prépare à mener une
campagne aérienne contre Daech, et met en place les infrastructures
nécessaires», assure Igor Delanoë, chercheur géopolitique à l’Observatoire
franco-russe?de Moscou.
Ces manœuvres interviennent alors que Vladimir
Poutine reçoit lundi le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et
mercredi le président palestinien Mahmoud Abbas. Puis, pour la première fois en
dix ans, il assistera à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. La
presse russe annonce déjà que, le 28 septembre, il axera son discours sur son
«plan» en Syrie, jusque-là rejeté par les Occidentaux: créer, en partenariat
avec l’armée de Bachar al Assad, une nouvelle alliance internationale sous
mandat de l’ONU contre les djihadistes.
Face à la possibilité d’opérations aériennes
concurrentes menées par les Etats-Unis et la Russie dans l’espace aérien
syrien, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter s’est entretenu au
téléphone vendredi avec son homologue russe Sergueï Choïgou. Une première
depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. «Pour le moment,
informations et propagandes bien coordonnées entre Moscou et Damas font passer
un message clair: la Russie montre qu’elle se donne les moyens de pouvoir agir
unilatéralement en Syrie et veut ainsi pousser les Occidentaux à se mettre
d’accord avec elle», soupçonne Pavel Felgenhauer, expert militaire à Moscou.
Le soutien militaire russe au régime de Bachar
el-Assad risque de compromettre toute chance de règlement du conflit, a
cependant déclaré dimanche le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
Mais, au-delà de la Syrie, le message du
Kremlin concernerait aussi indirectement l’Ukraine. En pleine crise économique,
la Russie ne peut pas risquer en Syrie un nouvel Afghanistan. Elle peut par
contre s’en servir comme levier diplomatique. En forçant les Occidentaux à se
mettre d’accord avec elle en Syrie, elle leur montrerait qu’il faut faire de
même en Ukraine.
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